2 soirs au Belvédère / Sudations d’hiver avec Ada Oda et Skarbone 14

Présenté comme “un mix détonnant de ska, rock, musique du monde, punk et chanson française”, SKARBONE 14, ce groupe âgé de 20 ans, titille l’envie en éveillant ma curiosité devant un tel descriptif. Un soir frisquet, direction donc le Belvédère pour une soirée orientée ska engagé, dit conscient.

En attendant Skarbone 14, une découverte de plus : “Anti-skapitalista”. Rien que par son nom, ce groupe bruxellois de ska punk à la voix arrachée donne le ton, et ce, également, par ses quelques interventions anti-patriarcat, ses textes et son énergie survoltée. Cette soirée rime déjà avec l’invitation à questionner notre société, tout en y mêlant une ambiance relationnelle et festive.  

Une pause. Un bol d’air frais sur cette terrasse surplombant une partie de la citadelle. Des discussions. Du partage, encore. 

Retour devant la scène. Skarbone 14 s'apprête.

Dès ses premiers pas sur l’estrade, on sent que ce groupe bourré de charisme aime la scène. Dès les premiers sons, on ressent ce plaisir de distiller une énergie saine. On comprend ce choix de blaze, ce côté radioactif, hautement énergétique. On reçoit instantanément cette joie de lâcher des messages, d’interpeller sur des rythmes effrénés, explosifs. 

Le public, un peu timide jusque-là, commence à accélérer petit à petit les hochements de tête. Et puis, le lâcher prise total s’opère. Sautillements irrésistibles. Les pogos. Les portés. Puis, le mélange au public. Être au cœur, ressentir les vibrations. Il fait chaud. Les sauts irrépressibles s’intensifient. La sueur sur scène. Certains membres du groupe ôtent leurs shorts, d’autres semblent hésiter et finissent par opter pour la pudeur. 

Au-delà de filer ces sensations, se propage la volonté également de véhiculer des messages, d’allier la musique festive teintée de sujets de fond. Je ne sais actuellement pas si c’est parce qu’ils sont écrits et portés par un chanteur avec qui je partage la formation de travailleur social, mais je ressens une connexion avec ces textes un brin militants qui nous parlent de la vie quotidienne, de ses injustices, des systèmes, de notre rapport aux consommations et de leur impact sur le monde qui nous entoure, de l’humain dans toute sa complexité… Sans pour autant être donneurs de leçons. Une simple invitation à la réflexion. 

“Si cette remise en question changeait nos relations?” (Paradis perdus). 

“C’est limite hystérique, voire un peu pathologique, cette logique qui t'incite à dépenser tout ton fric” (La mélodie du paraître)

“Depuis que ma vision est confrontée au réel j’entrevois des âmes bien en peines, comme perdues dans un logiciel. Depuis, ma raison s’est construite dans une certaine mutinerie, alors je pense donc je vis, et je râle donc je suis.” (Tenace est notre voix)

“Mais ils foncent, défoncent, arrachent et défrichent. Toujours plus de pognon, de déforestations, sauf que c’est l’horizon des futures générations.” (Parmi tant d’autres).  

“Comme une réponse provocante aux oppressions permanentes sur lesquelles tu glisses, tu buttes ou tu dérapes face à ces cons qui t’assimilent à une faute de frappe. Une erreur lexicale dans leur univers banal. [...] bien des fois, la colère monte en toi. A force d’être étiqueté, la moutarde te monte au nez. Mais sans te décourager, t’as choisi de t’exprimer, prenant la voix de l’engagement pour insuffler le changement. [...] un chouilla de rébellion, ton indignation. Un brin d’utopie alimente ton envie. Tu n’attends plus de place, tu creuses ta trace.” (Des monts Intérieurs)

Quelques jours plus tôt, Baptiste me laissait un message vocal au sujet de ce groupe bruxellois  “ça m’inspire plein de choses… Déjà, je trouve que “Ada Oda” ça sonne “Lada”, ça fait vieux nom de voiture russe. [...] Ça cartonne, ça surfe sur ce revival  du rock [...]”. Déjà là, je sentais qu’il s’emballait. Bref, comment résister !?  

Ce soir-là était riche en culture sur Namur ! Mais pas besoin de faire de choix, le timing était parfait pour enchaîner une virée vers le Belvédère après un début de soirée passé au Centre Culturel de Namur, à l’occasion des 30 ans de Court-Circuit. On ne peut que, d’ailleurs, conseiller de lire l’article rédigé par Baptiste (justement lui !) au sujet de cette Secrète Session.  

On arrive à temps. On l’a même pour s’offrir l’opportunité de flâner dans l’espace bar, tomber sur quelques têtes d’habitués, et échanger quelques mots. 

Les musiciens s’installent. Victoria prend le micro. Dès les premiers rythmes, je dois avouer que Baptiste ne m’avait pas menti. L'immersion est immédiate. L’énergie de la chanteuse et de ses quatre musiciens file instantanément les sensations du plaisir et les visages se dérident tout autour de nous. On sent le partage. 

La voix et les sonorités singulières amènent un côté rafraîchissant et des sensations de légèreté. On se surprend à sautiller. A nos côtés, Baptiste ne se sent plus, et son tortillement de joie est communicatif. 

Je ne traduis pas l’italien, néanmoins, derrière cette légèreté sonore qu’il induit, on ressent aussi le côté écorché… le brut des mots lancés avec toute une palette de couleurs et d’émotions. Les intentions sonnent nettes, percutantes, piquantes. 

J’apprécie l’identité du groupe, son caractère rétro, ce côté variété italienne, retrouvé également dans cette cohérence de dégaines. J’oscille harmonieusement parmi les différents contrastes que propose ce groupe. Entre légèreté, invitation au voyage et rock/post-punk. Entre fragilité et force, douceur et énervement, pan décalé et modernité des arrangements.  

Et, pour ne pas rester sur cette vague impression de vieille voiture russe, j’ai voulu en savoir davantage sur l’origine du nom. J’ai trouvé, et je dois avouer que l’explication me plaît : “Ada Oda, argot italien parlé à New York signifiant « Another Day ». Comme un aveu d’une irrépressible envie de repousser les problèmes, et de profiter de ce qu’on a devant nous. Un autre jour, ce sera forcément mieux”.

Victoria et Caesar avaient matché sur Tinder durant la crise sanitaire. Nulle doute que, grâce à eux, sites de rencontre et confinement ne pourront plus être diabolisés. Ils ont permis la naissance d’une collaboration humaine et artistique nous offrant de belles soirées d’écoute.