Nous nous sommes éclipsés dans la salle de l’atelier pour être plus tranquilles, car Madame Lebcque a beaucoup de choses à raconter et je ne veux pas en perdre une miette !

Comment expliqueriez-vous votre fonction ?

 

La société archéologique est très ancienne puisqu’elle est née il y a près de 180 ans, au beau milieu du 19e dans un mouvement de changement au niveau de la société et de l’économie. Celui-ci a eu des implications très importantes sur le patrimoine mobilier et immobilier. C’est notamment le moment où furent détruites les enceintes de la ville de Namur. Dans une visée d’ouverture commerciale, nous avons fait table rase de tous les éléments patrimoniaux pour laisser la place aux grands boulevards. À Namur, des gens se sont soulevés sur cette destruction systématique d’un passé commun qui allait disparaître au profit du profit, justement. Dans ce cadre-là, plusieurs Namurois se sont réunis pour fonder la société archéologique. On était au tout début de l’histoire belge donc les pouvoirs publics ne s’occupaient pas eux-mêmes de prendre soin du patrimoine, de la culture et de l’héritage… Ce sont vraiment des sociétés savantes qui se sont constituées dans toute la Belgique, d’abord dans les villes puis dans les localités plus petites.

 

À Namur, la société archéologique a vu le jour en 1845 et à partir de ce moment-là, elle s’est de suite fixé plusieurs missions. Ces dernières concernent la conservation du patrimoine, son acquisition, son étude et sa diffusion. Ces 4 concepts sont définis aujourd’hui comme étant les missions des musées. L’année 1845 pourrait laisser penser que la société archéologique est ringarde et poussiéreuse, mais les missions étaient déjà à l’époque celles considérées aujourd’hui comme étant primordiales pour les musées. C’est comme ça que les premiers sociétaires se sont vraiment attachés à préserver au maximum le patrimoine de la région namuroise en acquérant ou recevant des objets authentiques et originaux. Ou bien en copiant un manuscrit qu’on ne pouvait pas détenir ici, car il était conservé à Paris, par exemple. L’idée était de pouvoir accumuler à Namur le savoir et le patrimoine. À partir de ce moment, la société archéologique a rapidement développé ses collections, qui ont été conservées et étudiées progressivement. Bien qu’il y ait encore beaucoup à travailler à ce niveau-là.

 

Pour diffuser le savoir patrimonial, la société a mis en route sa collection d’annales, ce sont des publications annuelles reprenant des articles tant sur des sujets historiques que sur des sujets d’histoire de l’art liés essentiellement à la région namuroise. Elle a également ouvert un musée en collaboration avec la ville. Il s’agissait du premier musée archéologique de Namur situé à la Halle al’Chair. Les collections y ont été accumulées avant d’être présentées au public, puisque l’objectif d’un musée est quand même de permettre cette ouverture. La démultiplication et la multiplication de ces collections ont fait qu’elles ont fini par se retrouver à l’étroit à la halle al’Chair. Une partie de celles-ci a alors été déplacée dans l’Hôtel de Gaiffier d'Hestroy, qui est désormais le musée des arts décoratifs. Là, les collections se sont aussi retrouvées rapidement à l’étroit car les décennies se sont écoulées et aujourd’hui, les parties axées sur le Moyen-Age et les Temps Modernes sont exposées au musée des arts anciens au treM.a. Nous détenons des collections qui d’un point de vue temporelles sont réparties dans trois musées mais nous en avons également certaines qui sont mises à disposition dans d’autres musées de la province de Namur. Certaines sont en dépôt au phare à Andenne et d’autres à la maison du patrimoine médiéval mosan à Bouvignes. Nos collections nous offrent la possibilité d’alimenter le discours d’autres musées extérieurs à Namur. Parallèlement, nous ne cessons de mener des études sur toutes ces dernières. Nous cherchons à en savoir un peu plus et à les contextualiser davantage. Nous essayons aussi d’approfondir la connaissance que nous avons d’une technique, d’un site, d’une vie en général… Et nous nous attachons toujours à la conservation de ces collections. Ici, c’est l’ancien cloître de l’ancien couvant des carmes de Namur. Nous sommes au quai de l’église Saint-Joseph qui est l’église de ce couvant. Il s’agit d’un bâtiment à quatre L dont l’espace central formait autrefois l’ancien cloître.

 

Comment se déroule l’organisation de vos activités, expositions ?

Dans notre fonctionnement, nous avons un partenariat avec les pouvoirs publics, gestionnaires des musées. Le musée archéologique et le musée des arts décoratifs sont des musées communaux tandis que le musée des arts anciens, le treM.a est provincial. Dans ce cadre là, nous avons une convention de partenariat avec la ville de Namur et avec la province. Nous sommes tenus d’accomplir des missions pour ces musées. Pour le treM.a, nous devons créer une exposition chaque année. Le choix de celle-ci nous revient en grande partie à savoir que l’idée est de proposer au public namurois, national ou international une exposition qui est liée un peu plus directement au territoire namurois. L’équipe de la province qui travaille pour le treM.a organise aussi chaque année une exposition, mais sur une thématique plus large, plus internationale. Nous, notre rôle est de mettre en valeur l’histoire, le patrimoine du namurois et c’est comme ça qu’il y a deux ans, nous proposions une exposition sur l’Abbaye de Floreffe. Cette année, nous organisons une exposition sur l’Abbaye de Salzinnes et son antiphonaire. L’année prochaine, elle se déroulera sur l’Abbaye de Marche-les-Dames. Nous ne sommes pas bloqués sur les Abbayes, mais ce sont des sujets qui sont étudiés pour le moment. Nous avons aussi de bonnes relations avec l’université de Namur. Et cela permet également de valoriser les dernières études en date au travers d’une exposition. D’autre part, nous conservons dans nos collections une partie du patrimoine de ces Abbayes et c’est l’occasion de valoriser aussi ces accumulations qui pour certaines sont présentées au public dans les collections permanentes des musées et qui pour d’autres sont conservées en réserve. Une exposition, c’est aussi l’occasion de présenter des œuvres qui ne sont généralement pas visibles. Par exemple, l’an dernier, nous avons organisé une exposition sur la lithographie, sur la façon dont on a réinterprété et repris les éléments médiévaux au 19e qu’on a diffusés à travers la lithographie et tous ces ouvrages pittoresques de voyage. C’était l’occasion pour nous de présenter des lithographies qui restent la majorité du temps en réserve, car c’est un support papier et donc fragile. Nous sommes donc heureux d’avoir pu les sortir trois mois dans le cadre d’une exposition temporaire. Toutes nos propositions d’expositions font l’objet d’un accord de la part d’un comité scientifique au niveau du TreM.a.

 

Quels sont les objets les plus anciens de votre grande collection ?

Nous avons une collection allant de la préhistoire jusqu’à aujourd’hui avec des pièces pour la plupart assez remarquables. Nous collectionnons aussi des objets du quotidien. Les anciens sociétaires de la société archéologique ne se sont pas limités à ne sélectionner et ne conserver que l’exceptionnel sinon cela reviendrait à passer à côté de la vraie vie. Nous détenons aussi des pièces collectées lors des fouilles puisqu’au 19e siècle, la société fouillait beaucoup. Dans une logique qui était sous-tendue comme au 19e dans une recherche de trésors et dans l’objectif de faire des trouvailles, étonnement, elle était déjà dans une logique de recherche scientifique. Les fouilles effectuées étaient soutenues par une documentation qui n’est évidemment pas dans les standards de ce qu’on fait aujourd’hui, mais qui était déjà bien au-delà des standards de l’époque. L’importance de cette documentation est conséquente puisque cela signifie que les fouilles menées au 19e siècle et les données acquises par la SAN au cours de celles-ci sont toujours exploitables aujourd’hui pour comprendre un site. Si, par exemple, la région wallonne mène des fouilles à proximité, elle peut se reposer en partie sur les données des fouilles du 19e. Nous avons fouillé toutes sortes de sites, qui peuvent aller de l’époque Médiévale à la Préhistoire et donc, nous avons une série de cuillères en os provenant des grottes de Han, par exemple. Nous avons, par exemple, des pièces remontant à l’âge du bronze. Nous avons aussi des collections de silex infinies ! Je ne sais pas qu’elle est la plus ancienne, mais ce sont des collections qui pour une part remontent à la préhistoire et qui concernent toutes les époques jusqu’au 21e siècle puisque nous ne cessons d’accroître les collections. Notre unique problème est le manque d’espace. C’est dense. Avant, la région Wallonne classait le patrimoine immobilier. Ce qui est intéressant, c’est que depuis 2010, la Fédération Wallonie-Bruxelles a entamé des classements du patrimoine mobilier qui lui aussi peut se trouver en danger puisqu’il peut bouger et donc potentiellement disparaître. À ce moment-là, nous nous sommes rendu compte que la société ne s’était pas trompé dans la qualité des œuvres qu’elle avait contribué à préserver puisque nous avons plus de 60 trésors classés parmi nos collections, ce qui est assez remarquable. Certaines nous appartiennent et d’autres nous ont été déposées et nous avons la responsabilité tant de leur conservation que de leur gestion scientifique.

 

Avez-vous un objet de collection préféré ?

C’est difficile parce que c’est extrêmement varié tant dans l’époque que dans les matériaux. Moi, j’ai une grande sensibilité pour le verre et justement, dans les trésors récemment classés comprennent une corne en verre mérovingienne qui a été découverte dans le cimetière de Samson, sur les bords de la Meuse. Cette corne peut sembler très frustre, mais est fort bien conservée et elle est, en plus, assez rare. Découvrir du verre archéologique, c’est déjà pas mal ! Elle est dotée de toute une série de petites bulles, car il ne s’agit pas d’un verre de bonne qualité. Cette corne de Samson est vraiment une pièce que j’aime beaucoup !

Qu’est-ce que vous préférez dans votre travail ?

Je vais dire que c’est comme pour les collections, c’est la variété. Cela va presque faire 15 ans que je travaille pour la société archéologique. Beaucoup de mes collègues universitaires ont déjà changé plusieurs fois de postes justement parce qu’une lassitude pouvait s’installer dans leur mission. De mon côté, la lassitude au niveau des missions est impossible, car nous sommes une toute petite équipe. Nous sommes 8,7 en équivalent temps plein, mais pour s’occuper de la gestion de 300 000 à 500 000 pièces de collection dispersées dans un tas de différents musées avec toutes les missions à tenante que nous devons fournir pour ces partenaires, à savoir monter des expositions, concevoir des catalogues d’expositions… En travaillant à la SAN, j’ai la possibilité d’explorer une quantité énorme de facettes du métier d’historien de l’art. Sur un projet, nous concevons l’exposition, son discours, nous nous chargeons du choix des œuvres et de la conception de la scénographie. Nous faisons aussi la mise en page du catalogue après avoir trouvé les auteurs et avoir dirigé sa publication. Nous nous occupons de concevoir les supports de communication, de la rédaction du dossier de presse, des visites guidées, tant des visites de presse que des visites du grand public… Nous travaillons aussi sur la médiation de cette exposition pour le grand public, mais également en milieu scolaire, depuis la première maternelle jusqu’au niveau universitaire. Nous travaillons en parallèle sur la gestion des collections, nous faisons l’inventaire, nous nous occupons des questions de conservation. Nous avons appris à faire l’emballage, le conditionnement des collections pour de la conservation, mais aussi pour du transport. Nous avons aussi l’opportunité de voyager avec nos œuvres puisque quand on prête, on accompagne. Cela permet de voir un peu du pays ou de voir d’autres pays. J’ai eu l’occasion de me rendre au Metropolitan Museum à New York et ma collègue est allée au Japon. Nous faisons des rencontres assez extraordinaires avec des scientifiques, avec des conservateurs de musées ou encore avec des collègues qui font exactement la même chose que nous, mais ailleurs. Nous dégotons d’autres informations sur la façon dont se gère ce travail ailleurs aussi puisqu’il est vrai que c’est assez exceptionnel, je pense, de pouvoir toucher à toutes ces tâches. Quand nous montons une exposition, c’est nous qui portons les vitrines, qui faisons les branchements électriques. Nous sommes des couteaux suisses ! En tant que tels, il y a toujours une lame qu’on préfère et on va pouvoir tomber dessus et exercer les missions de cette lame là et ça, c’est gai. Ce que j’apprécie également au niveau de la société archéologique, c’est la chance de travailler avec ces collègues-là dans le sens où nous sommes extrêmement complémentaires. Nous menons une quantité de projets de fond qui est colossale. Je pense que c’est vrai. Ils sont hyper variés mais aussi hyper nombreux sur une année. Nous ne pourrions pas le faire si nous n’avions pas la possibilité de pouvoir compter les uns sur les autres. Avoir cette équipe qui se serre les coudes, c’est hyper précieux !

Publié le 5 Février 2024 par
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