Urban Sketcher
Un collectif namurois qui a déjà 2 ans de vie et des centaines de membres actifs. Des centaines de paires d’yeux. Des milliers de souvenirs glânés dans Namur et environs, et collectés dans des carnets de croquis qu’ils trimballent toujours avec eux. Ce sont les Urban Sketchers Namur.
Novembre 2007 à Seattle, USA: Gaby Campanario dessine dans la rue, la vie comme elle est. Un autre dessinateur le rejoint, ils partagent leurs expériences. Gaby a l’idée de rassembler les dessins des dessinateurs sur un même blog. Les “Urban Sketchers” sont nés. Cette communauté rassemble des centaines, puis des milliers de dessinateurs de tous âges à travers le monde. Des groupes se forment un peu partout, c’est le cas des Urban Sketchers Belgium qui ouvre un “chapitre” en 2009. Le collectif (qui se dote d’un “manifeste”) compte plus de 10 000 membres dans le monde et près de 500 en Belgique. Chaque année, un symposium réunit plus de 1000 dessinateurs qui envahissent une ville quelque part dans le monde.
Le groupe namurois naît il y a deux ans (parmi eux: des élèves de Jacquard – HEAJ - et de l’Académie) sur les fonds baptismaux du Barnabeer et c’est tout de suite le succès: en moyenne 30 participants par journée de croquis au Musée africain (la première séance, en avril 2018), au chantier naval de Beez, à la Citadelle, aux Fêtes de Wallonie, à la Capitainerie de Jambes… Les événements (gratuits la plupart du temps) appelés “sketchcrawls” drainent de plus en plus d’adeptes de tous âges, tous niveaux confondus, venus du Brabant wallon, de Bruxelles, de Flandre, de l’étranger.
Les artistes partagent leurs créations personnelles sur le groupe facebook ou la galerie Flickr des USK. Et aussi se réunissent lors d’événements. Tout le monde est admis, sans jugement, sans prise de tête. Le but: dessiner ce qui est là devant nous, le monde tel qu’il est, la vie comme elle va. Une plaine de jeux, un marché, une rue commerçante, un musée, une prairie, une église, une usine en ruines. Petit rituel: les croquis sont estampillés du petit cachet des Urban Sketchers, et exposés à même le sol en fin de séance. Chacun se penche, feuillette les carnets et y va de ses commentaires réjouis. Les dessins sont partagés sur les réseaux sociaux. Les artistes se lient avec d’autres artistes de tous les continents.
Aline Borremans confie: “Cela fait longtemps que je me demandais comment était l’intérieur de la Villa Balat, en bord de Meuse. A la faveur d’un événement , j’ai eu le privilège de dessiner la superbe salle de bains. J’étais adossée contre le lit. Muriel, notre hôte, s’est couchée sur le lit pour m’observer dessiner. On se sentait bien accueillis, transportées dans une autre époque.”
Dessiner devant le regard des autres n’est pas banal. Val se souvient du confinement: “On a dessiné notre maison sous toutes les coutures, et ce faisant on l’a redécouverte. On ne s’est jamais ennuyés. Ce jour-là j’ai dessiné la Meuse qui file doux devant la fenêtre. Pour mieux la voir je me suis assise sur une chaise haute. J’avais une belle vue, mais tous les passants qui empruntaient le halage me dévisageaient de même. J’avais l’impression d’être en vitrine. Un peu intimidant”.
Mika Hell habite la région liégeoise et ne rate aucune sortie croquis. Il a appris à connaître Namur et entre autres, a découvert la friterie “Près de chez vous” Rue Joseph Grafé dans le centre. Il a réalisé que c’était bien le décor du film “C’est arrivé près de chez vous”, et a récolté de savoureuses anecdotes sur l’enfance de Benoît Poelvoorde.
Impatient de pouvoir enfin se retrouver au volant se son combi VW de 1972 en pleine phase de restauration, Benoi Lacroix s’est invité chez son garagiste, Rue de Dave à Jambes, et a immortalisé la scène: le bay-window trônant en hauteur au milieu des pièces détachées. “Il avait le coffre ouvert, béant, sans moteur. C’est comme s’il voulait me parler. Le croquis m’ouvre les yeux. Il me fait découvrir des choses que jamais je n’aurais vues si mon regard n’était pas exercé preque quotidiennement par le croquis”.
Question “sujet à dessiner”, chacun ses préférences. Val a un faible pour le chantier naval de Beez: “J’irais bien y dessiner tous les jours. J’adore le bric-à-brac, où tout est mélangé: le vieux, le nouveau, les détails minuscules et les grosses pièces mécaniques. Et puis les vieux bateaux me font rêver”.
Il n’y a pas de mauvais sujet. Pour Christelle, « dessiner en terrasse c’est se poser
confortablement bien sûr, mais aussi avoir un point de vue inédit sur sa ville. On lève les yeux (pendant que d’autres auraient le nez sur leur verre) et on découvre des détails inédits. Cela donne un regard neuf, décalé."
Les « drink and draw » remportent aussi leur petit succès. Virginie Pawlak (une des organisatrices du groupe) se souvient d’une après-midi de fin décembre à la Schtouff à Jambes où on attendait 15 dessinateurs et où, surprise, il en est arrivé une trentaine : « ça dessinait en haut, ça dessinait en bas, on ne savait plus où donner de la tête. Les globes suspendus m’ont rappelé les pays qui m’ont marquée. »
Et Val ajoute : « C’est tellement agréable de se rassembler pour dessiner. Pour cette séance au Château de Dave , comme c’était la première sortie d’après confinement, qu’on ne s ‘était plus vus depuis si longtemps, ça papotait beaucoup. J’avais pris tellement de retard à écouter les unes et les autres que j’ai commencé ce croquis du château au bic, sans filet, sans repères. Tout de suite dans le bain » !
Françoise Chomé est bruxelloise mais elle ne rate aucune sortie à Namur. Elle, qui a le pinceau léger, a réalisé cette vue de Namur depuis un endroit bondé de la Citadelle, et en triple vitesse. Elle n’avait qu’une hâte, rejoindre un endroit plus calme. Ce style rapide et spontané a tellement plu au groupe que ce croquis a été choisi pour l’affiche d’une exposition de croquis urbains en avril 2019 à la Galerie du Beffroi.
Oui, le croquis “urbain” apporte une autre regard sur le monde, mais fixe (voire génère) aussi de magnifiques souvenirs. Les Urban Sketchers font partie intégrante du paysage qu’ils dessinent, et de la vie artistique et culturelle dont ils sont, décidément, d’étranges témoins.
B.L.
Le Manifeste USK:
- Nous dessinons in situ, en intérieur ou en extérieur et croquons sur le vif.
- Nos dessins sont les témoins de notre quotidien et de nos voyages.
- Nos dessins représentent des archives de lieux et d'instants.
- Nous sommes fidèles aux scènes que nous voyons.
- Nous utilisons tous types de techniques et apprécions la diversités de nos styles.
- Nous nous soutenons les uns les autres et dessinons en groupe.
- Nous partageons nos dessins en ligne.
- Nous montrons le monde de dessin en dessin.