Le kaléidos-covid - CHAPITRE QUATRE : Le Bourgmestre

Interview : Mdg Mdg / Photos : Quentin Spitaels et Mdg Mdg

Rencontre avec Maxime Prévot, Bourgmestre et échevin de la culture de la ville de Namur (18 septembre 2020)

Je me souviens d’un temps pas si lointain où les lettres CNS[1] voulaient dire quelque chose pour nous tou.te.s. Je me souviens d’un temps où le chef de la Ville devait traduire ce que la cheffe du pays nous assénait à intervalle régulier. Je me souviens d’un temps où ces deux langues nous semblaient déjà si différentes… Je me souviens d’un printemps au temps (sus)pendu aux déclarations mayorales en direct de Facebook.

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Crédit photo : Quentin Spitaels

Par quel canal receviez-vous les directives du CNS, dont celle de confiner toute une population ?

On apprend les décisions en live, comme n’importe quel citoyen devant son écran. Dans les minutes qui suivent nos boîtes mails débordent de messages de citoyens ou d’organisateurs qui se demandent dans quelles mesures ils sont impactés, s’ils doivent adapter leur comportement, s’ils peuvent poursuivre leur travail, comment… On doit adopter rapidement une ligne de conduite claire, une unicité d’approche entre échevins pour éviter la dispersion d’infos contradictoires.

La difficulté, c’est que le Fédéral énonce des principes généraux mais il s’accommode mal de la diversité des réalités de terrain. Et donc il nous revient de transposer le principe général à l’échelle des réalités de notre territoire, sans tomber dans le cas par cas.

Maxime Prévot
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Crédit Photo : Mdg Mdg

C’est le niveau de proximité qui est pris d’assaut à ce moment ?

La difficulté, c’est que le Fédéral énonce des principes généraux mais il s’accommode mal de la diversité des réalités de terrain. Et donc il nous revient de transposer le principe général à l’échelle des réalités de notre territoire, sans tomber dans le cas par cas. Par exemple, quand la Première Ministre interdit « tout événement de masse » jusque fin août. C’est quoi un « événement de masse » ? C’est vers nous que les organisateurs se tournent pour savoir qui, que, quoi. Sauf qu’en général on reçoit l’arrêté ministériel qui transpose les annonces avec trois ou quatre jours de retard. Sauf que le texte de loi lui-même est souvent sujet à interprétation. On s’accorde à la Ville pour considérer qu’à partir de 1.000 personnes c’est un événement de masse. Mais lors d’une vidéoconférence avec le Gouverneur de la Province, d’autres bourgmestres défendent un seuil de 250 personnes. Ces chiffres sont tellement relatifs ! Est-ce que le lieu est clos ou ouvert ? Est-ce les distances peuvent être gardées ou pas ? etc.

Dans un monde idéal, il faudrait qu’une fois les décisions prises elles puissent percoler via les gouverneurs jusqu’aux bourgmestres, qu’on puisse avoir 48h devant nous… Mais dans le monde réel, avant même la réunion du CNS, la presse annonce « ce qu’ils risquent d’annoncer ». Et c’est « ce qu’ils risquent d’annoncer » que les citoyens retiennent et qui devient la règle.

Maxime Prévot
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Crédit photo : Quentin Spitaels

Quels auraient été le timing et la procédure optimaux ?

Dans un monde idéal, il faudrait qu’une fois les décisions prises elles puissent percoler via les gouverneurs jusqu’aux bourgmestres, qu’on puisse avoir 48h devant nous… Mais dans le monde réel, avant même la réunion du CNS, la presse annonce « ce qu’ils risquent d’annoncer ». Et c’est « ce qu’ils risquent d’annoncer » que les citoyens retiennent et qui devient la règle.

Et puis, nous avions le devoir de faire respecter les directives, avec la grande frustration qu’on trouvait nous-mêmes certaines décisions incohérentes comme empêcher les gens d’assister à des funérailles. C’était compliqué d’expliquer qu’on pouvait se balader en ville en nombre mais qu’on ne pouvait pas être plus de 15 à une cérémonie de mariage. Les élus locaux ont dû – et doivent encore – gérer tellement de paradoxes. Et c’est le bourgmestre qui est le point de contact des citoyens. Quand quelqu’un trouve qu’une mesure est débile, ce n’est pas à la Première Ministre qu’il écrit… Cette hyper proximité fait la beauté de la fonction, mais il y a des éléments que nous ne maîtrisons pas.

Quand les premières décisions fortes tombent, qu’est-ce qui vous passe par la tête ?

Avec la cellule de crise, on se sent d’abord en devoir de garder notre sang-froid et de tracer un cap. Il fallait aussi être compréhensibles, fermes et le plus cohérents possible ; ne rien négliger ou minimiser, mais ne pas non plus générer une sur-angoisse et apaiser les plus anxieux.

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Crédit Photo : Mdg Mdg

Pourquoi est-ce la figure du Bourgmestre qui a incarné la communication officielle de la Ville de Namur ?

La loi confère au bourgmestre des compétences spécifiques en tant que responsable de la sécurité civile. C’est lui qui dispose personnellement et légalement des prérogatives d’action quand il y a des mesures d’ordre public à prendre. Et il est formellement prévu que ce soit le bourgmestre qui communique en temps de crise.

Comme organe de première ligne, on a dû pallier beaucoup de carences des autres niveaux de pouvoir. Ça représente beaucoup de concertation et de coordination.

Maxime Prévot

Comment tourne une ville confinée ?

La plus grande difficulté est de s’occuper de ceux dont on ne parle pas dans les médias, singulièrement les SDF. On passe aussi beaucoup de temps à évaluer les mesures prises et celles à prendre dans une énorme diversité de secteurs. On a pris des mesures spécifiques pour les maisons de repos, on s’est opposé à certaines mesures du Fédéral. Comme organe de première ligne, on a dû pallier beaucoup de carences des autres niveaux de pouvoir. Ça représente beaucoup de concertation et de coordination.

Les agents de la Ville ont eu le bénéfice de ne pas devoir s’angoisser d’être payés en fin de mois, mais ils ont aussi été non-stop sur le pont et ont donné pleinement à la notion de service public.

La police n’a pas facile non plus, tout le monde n’accepte pas de porter le masque, de renoncer aux grosses fiestas, de reporter l’anniversaire du petit ou son mariage… L’interaction avec la police est parfois verbalement plus violente que d’habitude. Ils sont à la fois le réceptacle des mécontentements et le bras armé essentiel pour le respect des conditions sanitaires. Donc ça n’est pas simple. Mon téléphone explosait de messages mais on ne sait pas envoyer la police tout le temps partout. On ne peut pas non plus, à chaque fois que quelqu’un enfreint la règle, le mettre dans un combi ou en cellule…

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Crédit Photo : Mdg Mdg

Après Pâques, on se rend compte que c’est parti pour durer. Comment vous réagissez ? Ça change la donne en termes d’organisation, par rapport au secteur culturel, par rapport aux activités dont une ville a besoin pour vivre…

Après Pâques, j’ai plutôt cru que tout serait réglé pour la rentrée de septembre. D’ailleurs quand les activités ont repris en juillet, j’ai reçu quelques messages de grincheux disant que j’avais annulé trop vite les Fêtes de Wallonie.

Pas aussi vite qu’Eerdekens à Andenne mais quand même…

Alors que le CNS annonçait que tout événement de masse était annulé jusqu’au 31 août, ça me semblait incohérent que deux semaines et demie après on soit 200.000 dans les petites ruelles de Namur… Entre temps, la situation étant ce qu’elle était, tous les autres bourgmestres qui organisent des Fêtes de Wallonie ont aussi annulé donc on a peut-être eu tort d’avoir eu raison trop vite.

Les budgets initialement prévus pour ces événements pourraient retourner aux artistes et aux techniciens ?

Les coûts pour la Ville sont restés identiques puisqu’on a maintenu les enveloppes à titre d’aide aux acteurs concernés. Par exemple, l’édition 2020 de Namur en Mai n’a pas eu lieu mais on leur a quand même versé 150.000€. La logique serait qu’ils rémunèrent également les artistes et les techniciens.

100% des crédits dédiés aux acteurs culturels ont été maintenus soit pour combler une partie des frais déjà exposés, soit pour les aider à passer le cap avec le moins de dégâts possible, soit pour organiser un projet alternatif, mais on n’en fait pas une exigence, on est dans une démarche ballon d’oxygène.

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Crédit Photo : Mdg Mdg

Ça c’est le soutien aux structures, mais qu’avez-vous mis en place pour favoriser les activités culturelles et soutenir les créateurs ?

On a dégagé une enveloppe supplémentaire de 350.000€ pour subventionner les acteurs culturels constitués en asbl, en association, en collectif, et répondre aux difficultés auxquelles ils sont confrontés. Nous ne sommes par contre pas en mesure d’octroyer des aides individuelles aux artistes, lesquelles sont du ressort de la Région à travers les primes et du Fédéral à travers le droit passerelle.

Les associations, ce sont déjà elles qui ont été majoritairement soutenues par la Fédération Wallonie-Bruxelles… L’argent n’arrive pas forcément jusqu’aux créateurs.

Oui mais j’espère qu’elles feront percoler les subventions sur les collaborateurs avec lesquels elles travaillent.

La Ville soutient le tissu associatif et ce soutien doit aussi leur permettre d’honorer les cachets des artistes programmés, reportés ou annulés. Notre objectif premier est que les opérateurs locaux culturel puissent passer ce cap houleux et qu’ils soient encore au rendez-vous de l’actualité culturelle namuroise en 2021 et dans les années à venir.

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Crédit Photo : Mdg Mdg

Les enveloppes seront suffisantes pour faire le pont jusqu’en 2022 ?

Les crédits de 2021 sont identiques à ceux de 2020. Il est même prévu d’ajouter 150.000€.

Quelle est votre marge de manœuvre en tant que bourgmestre ? Par exemple, Liège et Bruxelles ont permis des jauges plus larges en déconfinement.

Je l’ai fait aussi. Le Fédéral a octroyé la possibilité pour les bourgmestres d’accroitre les jauges des salles mais uniquement sur base d’une demande de leur part. Je ne pouvais pas d’initiative décider que toutes les salles pouvaient accueillir 300 personnes. Sur base de la demande de l’opérateur, nous devions solliciter l’avis d’un virologue et de la ministre de la Culture. Les quatre structures namuroises qui en ont fait la demande ont été entendues.

Comment assurer la relance de la culture, indépendamment des soutiens financiers ?

Namur Confluent Culture est une dynamique qui n’a pas vocation à s’arrêter. Elle a vocation à se renouveler, à se remettre à jour, à se questionner. On doit se remettre dans le bain avec les acteurs parce qu’inévitablement la crise Covid a suscité d’autres attentes. On doit aussi pouvoir impulser de nouvelles lignes de force en matière culturelle.

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Crédit photo : Quentin Spitaels

Tout le combat s’est focalisé sur un bras de fer avec le Fédéral au sujet du statut « d’artiste » alors qu’une loi, ça prend un an et que ce qu’ils appellent « statut » n’est en réalité qu’un filet de chômage ! Dans une telle situation d’urgence, je trouve que la réponse a été faible. Par ailleurs, grâce à un lobbying classique, la ministre de la Culture s’est paradoxalement focalisée sur les institutions culturelles alors que ce sont elles qui ont la trésorerie et les reins assez solides pour passer le cap. Il n’y a pas eu de mécanismes d’intervention directs à l’égard de l’artiste. Elle aurait pu créer un dispositif spécifique à la Communauté française en complément de la prime régionale.

Maxime Prévot

Vous avez ressenti un vent de panique dans le secteur ?

Je ne sais pas si panique est le bon mot parce que c’est un secteur qui a une grande capacité de résilience. J’ai surtout ressenti de l’inquiétude et de la colère. De l’inquiétude de pouvoir continuer les projets artistiques et garantir qu’il y aurait un après pour leur association, leurs créations et leur démarche. De la colère face à la réponse politique. Tout le combat s’est focalisé sur un bras de fer avec le Fédéral au sujet du statut « d’artiste » alors qu’une loi, ça prend un an et que ce qu’ils appellent « statut » n’est en réalité qu’un filet de chômage ! Dans une telle situation d’urgence, je trouve que la réponse a été faible. Par ailleurs, grâce à un lobbying classique, la ministre de la Culture s’est paradoxalement focalisée sur les institutions culturelles alors que ce sont elles qui ont la trésorerie et les reins assez solides pour passer le cap. Il n’y a pas eu de mécanismes d’intervention directs à l’égard de l’artiste. Elle aurait pu créer un dispositif spécifique à la Communauté française en complément de la prime régionale.

Comment va-t-on en sortir ?

Dans une démarche plus collective, plus soucieuse des fragilités de chacun. Cette crise doit aussi se révéler accélératrice de changement par rapport à la cohésion territoriale, au vivre ensemble, à nos modes de déplacement, à la nature, mais aussi dans les interactions scolaires, dans la lutte contre la fracture numérique, dans l’intégration des nouvelles technologies et de l’éducation aux médias dans l’enseignement… Mais est-ce que les gens seront cohérents ? Ils aspirent au changement mais est-ce qu’ils vont l’accepter ?

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Crédit Photo : Mdg Mdg

Un regret sur cette période ?

Il y a plein de choses qu’on aurait pu améliorer et on débriefe, mais je ne suis pas homme à regret.

En tant qu’homme, papa et mari, comment as-tu vécu le confinement ?

Il ne m’a pas beaucoup pesé parce que mes fonctions m’ont amené à être tout le temps sur la balle et mes journées étaient bien remplies. Il y avait tellement de trucs à gérer ! La première semaine, je culpabilisais parce que je n’ai jamais été habitué à ce qu’à 20h la journée soit finie. Après, je me suis fait une raison et j’ai retrouvé le plaisir de mes soirées...

Et nous de notre côté, à la ville, en tout cas on est conscient que c’est un secteur clé à soutenir et à notre échelle on le fera évidemment au maximum.

Maxime Prévot

Un message pour les opérateurs, les artistes et les publics ?

Incontestablement, et ce ne sont pas juste des mots creux, on a besoin plus que jamais de lien social et le premier média, dans le sens moyen, pour pouvoir faire du social, c’est certainement la rencontre à travers les activités culturelles et donc je pense qu’il y a une énorme soif que ça puisse reprendre et nous de notre côté, à la ville, en tout cas on est conscient que c’est un secteur clé à soutenir et à notre échelle on le fera évidemment au maximum.

[1] Note pour plus tard : Conseil National de Sécurité.


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