Le kaléidos-covid - CHAPITRE PREMIER : les institutions culturelles

Interview : mdg mdg / Photos : Philippe Santantonio, Quentin Spitaels, Margaux Voglet, Sébastien Roberty

avec Bernadette Bonnier (Delta), Vincent Vandenbranden (TreMa) et Bernard Fortz (Belvédère)

RÉTROACTE

Jeudi 12 mars 2020. Sophie Wilmès apparaît sur tous les écrans du Royaume, ton neutre ou désabusé (on ne sait pas trop), entourée d’une brochette de mâles fanés en costume ternes. La Belgique se découvre de nouvelles marottes en majuscules : Conseil National de Sécurité… Experts… Scientifiques… Risk Assessment Group… Risk Management Group… (à vos souhaits).

« Bonsoir, Goedenavond… Suite aux derniers développements, le Conseil National de Sécurité s’est réuni. Il a été décidé de renforcer le dispositif existant par des mesures additionnelles de distanciation sociale. (…) Concernant les commerces et les activités dites récréatives (sportives, culturelles, folkloriques, etc.), toutes ces activités sont annulées, peu importe leur taille et leur caractère public ou privé. Entre autres, les discothèques, cafés et restaurants sont fermés. »

Mardi 17 mars. Nouveau coup de/au théâtre… « Nous avons décidé lors de ce Conseil National de Sécurité, de prendre des mesures renforcées. Les citoyens sont priés de rester chez eux afin d’éviter un maximum de contacts en dehors de leur famille proche. Et tous les rassemblements sont in-ter-dits. »

Bon, vous y étiez, j’y étais, on connait la chansonnette. Mais comment ça s’est passé pour les organisateurs d’événements et les opérateurs culturels contraints d’annuler expos et concerts, de fermer musées et théâtres ?

Évocation avec trois opérateurs culturels namurois :

  • Bernadette Bonnier (BB), directrice du Service Culture de la Province de Namur
  • Vincent Vandenbranden (VV), médiateur culturel au Musée des Arts anciens (TreMa)
  • Bernard Fortz (BF), administrateur du Belvédère

Qu’est-ce qu’il reste comme travail quand il n’y a plus de public ?

Cinqmille
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Le Delta / Exposition Peter Saule ©Philippe Santantonio

SCÈNE 1 : CONFINEMENT

Qu’est-ce qui vous passe par la tête à l’annonce du confinement ?

BB –On pense avant tout au personnel. Le Covid était à nos portes et certains paniquaient. Donc, on se dit qu’ils se sentiront protégés. Ensuite, on se pose vite la question du public. À ce moment-là, on pense juste report, on pense que le confinement durera 15 jours… On rappelle les artistes pour les reprogrammer à partir d’avril ou mai. On prévoit de reprendre après Pâques.

BF – On avait une programmation assez dense en mars/avril et on n’a aucune idée du moment de la reprise, on ne sait pas à quand reporter. Au fur et à mesure, on reporte les dates de plus en plus loin.

VV – Après, on a dû s’organiser en télétravail pour fonctionner en équipe et poursuivre le travail à distance.

Qu’est-ce qu’il reste comme travail quand il n’y a plus de public ?

VV – On prépare la rentrée, les prochaines expos, on anticipe sans trop savoir ce qu’on pourra encore faire…

BB – On fait tout pour ne pas rompre le lien avec le public. On sait que les gens sont enfermés chez eux, on essaie de leur apporter de la culture à domicile, de partager des moments par écran interposé. On apprend de nouveaux métiers, certains collègues font des clips vidéo. On travaille sur la prochaine saison. On n’arrête pas. On reste en contact avec le personnel, le public, les programmateurs, les artistes.

VV – Pour le Musée des Arts anciens (TreMa), c’est aussi l’occasion de travailler sur son image, de la rajeunir, d’exister sur les réseaux sociaux. L’équipe apprend à travailler et à communiquer autrement avec le public.

SCÈNE 2 – SORTIE DE CONFINEMENT

En mai, les portes des maisons, des bars et des musées s’ouvrent à nouveau. Les affaires reprennent ?

BB – À la fin du confinement, on prend conscience que la saison est terminée et qu’on est en stand-by jusqu’en septembre si on ne se bouge pas… On rouvre les expositions le 19 mai. On prolonge l’expo Peter Saul. Après, on a pu organiser les stages d’été. On a la chance de travailler dans de grands espaces qui permettent d’organiser des cheminements distincts. La Marlagne a aussi proposé de mettre des locaux à disposition. La solidarité s’organise. On imagine une « Tournée déconfinée » avec les centres culturels de la province. Il fait beau, les gens sont souriants. Les artistes sont heureux de revoir le public en vrai !

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Le Delta / Exposition Peter Saule ©Philippe Santantonio

BF – Au Belvédère, l’été est d’ordinaire une période sans activité, mais on ressent alors un tel manque de la part du public, un tel manque de notre part, qu’on veut faire quelque chose à tout prix. Au vu des mesures sanitaires, on s’oriente vers une programmation de plein air, au théâtre de verdure.

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Théatre du Verdur / Les plein air du Belvédère - Hooverphonic - ©Philippe Santantonio

Comment s’est passée l’organisation, la mise en place… ?

BF – Compliqué… On ne savait pas exactement ce qu’on pouvait faire ou pas. On a dû mettre en place beaucoup de choses pour sécuriser le site : balisage pour constituer des bulles de 10, organisation d’un service de boissons dans le gradin, développement d’une application pour gérer les commandes, sens de circulation, pictos, affichettes, désinfection des toilettes après chaque passage, marquage au sol, barrières…

Au niveau des musées et des expositions, qu’ avez-vous dû mettre en place ?

BB – Ce sont les mêmes contraintes : sens de circulation, parcours obligatoire, gel, surveillance accrue, plus de personnel pour guider les visiteurs, maintien des portes ouvertes pour ne pas toucher les clinches. On a passé plus d’une journée à coller des étiquettes au sol, à placer des rubalises, à installer des plaques de plexi…

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Théâtre du Verdur / Les plein air du Belvédère - Romano Nervoso - ©Quentin Spitaels

Comment le public a réagi ?

BB – Avec l’obligation de réserver, il n’y a plus de spontanéité. Dans des petites villes comme la nôtre, on n’a pas l’habitude de réserver. Cette obligation a contribué à la diminution des visites. C’est pour ça qu’on a fait les dimanches gratuits, avec des petites activités et des concerts. Ces weekends-là, il y avait plus de monde mais on devait limiter à 50 personnes...

SCÈNE 3 : LA RECHUTE

Août, le couperet tombe à nouveau : diminution des jauges à 200 personnes en extérieur. Coup dur pour vos concerts ?

BF – C’est sûr que ça devenait nettement moins rentable. En plus, les gens ont paniqué, les préventes n’ont jamais décollé et les bénévoles n’ont pas suivi non plus. On annule le concert du 9 pour éviter de boire la tasse. Les concerts suivants étaient organisés avec Éther Agency et des plus grosses affiches : Hooverphonic, Daan et Millow. Ils ont accepté de jouer deux sets pour le prix d’un pour atteindre la jauge de 400 malgré tout...

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Théâtre du Verdur / Les plein air du Belvédère ©Philippe Santantonio
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Théâtre du Verdur / Les plein air du Belvédère - Romano Nervoso - ©Quentin Spitaels
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Théatre du Verdur / Les plein air du Belvédère - Daan - ©Philippe Santantonio

BB – Avec ce nouveau durcissement, on a perdu tout le public scolaire, les groupes, le troisième âge… On a eu un peu de touristes, mais pas des masses. Ce qui a le mieux fonctionné, ce sont les cinés d’été sur la terrasse panoramique, les ateliers bien-être, les cours de flamenco, de danse…

Essentiellement des petites jauges, alors ?

BB – Oui. On aurait pu faire double ou triple, tout était complet. Les gens avaient besoin d’être dehors. J’ai le sentiment qu’ils n’avaient pas envie de s’enfermer dans une salle, surtout avec le masque et les mesures barrières.

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Le Delta / La tournée déconfinée ©Margaux Voglet

VV – C’est sûr que le Covid a poussé les institutions culturelles hors les murs. C’est aussi une question du sens de notre travail, sans contact avec les écoles, avec le terrain… En plus, chez nous, la taille des salles ne permet pas de respecter les normes de circulation. Pour les vernissages, on ne fait plus de drink, on s’organise autrement, on travaille par petites bulles.

BB – On fait plusieurs vernissages sur une journée ou un week-end, sur inscription uniquement… On doit demander aux gens de quitter les lieux quand le groupe suivant arrive. Entre les deux, le personnel désinfecte les tables.

Les programmateurs et le personnel ressentent une frustration incroyable et sont tentés de renoncer à accueillir le public dans ces conditions. Mais on essaye de rester positif, de lancer une nouvelle saison et de s’adapter aux jauges en fonction des évolutions de la situation.

Bernadette Bonnier

SCÈNE 4 : ET DEMAIN ?

En tant qu’opérateur, comment on envisage demain ? De quoi vous avez besoin pour travailler dans ce contexte ?

BB – Ce qui est difficile justement, c’est de (faire) respecter les consignes pour les activités de scène où les gens sont debout, les concerts, les dj sets… On ne peut plus se promener librement, danser, se prendre dans les bras… Plus rien n’est spontané. Les programmateurs et le personnel ressentent une frustration incroyable et sont tentés de renoncer à accueillir le public dans ces conditions. Mais on essaye de rester positif, de lancer une nouvelle saison et de s’adapter aux jauges en fonction des évolutions de la situation.

Mais voir un espace comme le théâtre de verdure avec 200 personnes, c’est dramatique. Et ça n’a pas de sens. Quand on voit la capacité de l’endroit, on pourrait respecter les règles de distanciation même avec 1.000 personnes… On pourrait imaginer de ne pas imposer la distance de sécurité mais juste le masque à tout le monde. Ça permettrait d’avoir des jauges plus importantes et en tout cas de nuancer et de rendre les mesures compréhensibles. Parce que ce qui n’est pas compréhensible c’est qu’on a rouvert les stades de foot ; les avions, n’en parlons pas, les meeting politiques encore moins…

Bernard fortz

BF – Les gens vont s’amuser parce qu’ils sont demandeurs, ce sera un soulagement de participer à nouveau à des activités. On l’a bien vu pendant les concerts en plein air. Même s’il y a une frustration à rester assis et à se dandiner sur sa chaise… Mais voir un espace comme le théâtre de verdure avec 200 personnes, c’est dramatique. Et ça n’a pas de sens. Quand on voit la capacité de l’endroit, on pourrait respecter les règles de distanciation même avec 1.000 personnes… On pourrait imaginer de ne pas imposer la distance de sécurité mais juste le masque à tout le monde. Ça permettrait d’avoir des jauges plus importantes et en tout cas de nuancer et de rendre les mesures compréhensibles. Parce que ce qui n’est pas compréhensible c’est qu’on a rouvert les stades de foot ; les avions, n’en parlons pas, les meeting politiques encore moins…

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Tréma / Musicôjardin - Jully and ice cream - ©Margaux Voglet

BB – Dans sa conception, Le Delta est un lieu ouvert où pique-niquer et flâner, avec des thermos de café en libre-service. Tout a été stoppé. On essaie de s’adapter avec du mobilier mobile, des bulles, mais ce n’est plus le même concept. La situation sanitaire ne permet plus cette rencontre, cette convivialité. C’est difficile à vivre pour les équipes qui ne se retrouvent plus dans le lieu.

On a appris à s’adapter très vite pour survivre, à tout faire pour garder du sens dans ce qu’on fait, pour ne pas se faire oublier, ne pas devenir inutile.

vincent Vandenbranden

Cette crise a changé votre manière de voir les choses ? Votre façon de travailler ?

VV – On a appris à s’adapter très vite pour survivre, à tout faire pour garder du sens dans ce qu’on fait, pour ne pas se faire oublier, ne pas devenir inutile. On avance sur des projets pour 2021, on se pose pas la question du Covid. Il faut avancer et s’adapter au fur et à mesure. Pour les nouvelles expositions temporaires, je sais que je dois prévoir un plan b, c… Il faut être créatif !

BB – On se pose beaucoup de questions. On se pose des questions sur notre rôle, sur la course effrénée au maximum de visiteurs, au maximum d’articles dans la presse. On s’interroge sur le sens de tout ça, on recommence à penser local. J’ai plein de questions.

BF – D’habitude, le Belvédère est fermé durant l’été mais, après l’expérience des concerts de plein air, on se dit que ce serait une bonne chose recommencer l’an prochain. On a vu qu’on pouvait le faire, que ça pouvait marcher.

Pour conclure ?

VV – On a surtout une pensée pour les petits lieux de concerts qui ont souffert et qui continuent à souffrir. Le Shamrock, la Pharmacie, le Merle, l’Arsène, Chez Juliette...

BB – En tant que fonctionnaires provinciaux, on a conscience de notre chance : personne n’a été mis à la porte, pas de chômage technique, salaire garanti. On doit garder ça en tête surtout par rapport aux lieux non subventionnés, par rapport aux techniciens du spectacle, tous les métiers de la scène et de l’événementiel.

Et c’est à eux que nous pensons en finissant cet article, tous les oubliés du système, les dégâts collatéraux du Covid, les laissés-pour-compte des mâles fanés du début…

Le personnel de nettoyage, le personnel d’accueil, les acteurs en milieu scolaire, les bénévoles qui ont couru un marathon chaque soir de concert dans le théâtre de verdure pour servir le public assis, le public qui a joué le jeu, les artistes et aussi les artistes…

Pour suivre les actus des opérateurs namurois, une seule adresse : https://cinqmille.be

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