"Pensez, croyez, rêvez et osez"
Interview cosmique avec La Gribouille
Interview : Emilie Malburny // Photos : Frédéric Beth
Lorence est namuroise. La quarantaine à peine entamée, cette mère de famille et femme active apprend qu’elle souffre d’une maladie dégénérative. Que faire lorsque la vie vous jette des citrons au visage ? En faire de la limonade ! Et c’est ce que Lorence a fait. Dans la foulée du diagnostic, le choc passé, la phase d’ennui atteinte, elle se lance dans le dessin et décide de montrer qu’une maladie ne vous arrête pas (toujours) de vivre, c’est comme ça que « Gribouille » est née.
Le 7 septembre dernier, elle organise une soirée consacrée à son voyage en Indonésie pour y présenter ses projets. C’est là que nous l’avons rencontrée !
Cinqmille : Peux-tu nous dire qui se cache derrière le pseudo « Gribouille » ?
Gribouille : Plein de personnes différentes et complémentaires, enfin j’espère ! Je m’appelle Lorence, j’ai 41 ans, je suis Namuroise et je vis à Jambes avec mon fils de 15 ans. Je suis atteinte d’un défaut génétique, le SED, le Syndrome d’Ehlers-Danlos, qui provoque des atteintes du tissu conjonctif, et j’essaie d’en faire une force. Tout simplement, quand votre corps souffre, vous utilisez des moyens d’expression, le dessin est l’un des miens.
CM : Comment en es-tu arrivée à développer une passion pour les mandalas ?
G : J’ai découvert réellement les mandalas il y a environ 10 ans, quand je me suis intéressée de près à la culture bouddhiste. Le mandala, qui est un mot sanskrit, signifie « cercle sacré ». Leur géométrie est axée autour d’un point central, qui représente l’énergie, puis d’un graphisme circulaire qui représente l’univers. Sa fonction est de nous aider à dépasser la souffrance, à nous rappeler à chaque instant que tout est interdépendant. J’ai ainsi plusieurs mandalas tatoués sur le corps, ils sont mes « pattes de lapin », ils représentent beaucoup de choses pour moi.
CM : Combien de temps te prend une création ?
G : Ça dépend du format. Pour un format classique en A4, entre 15 à 25 heures. Pour un format A3, ça monte, de 20 à 40 heures de dessin. Et pour un format A0 je peux y passer plus de 75 heures.
CM : Comment te vient l’inspiration ?
G : Ma réponse va peut-être sembler étrange, mais c’est le dessin qui décide. Le crayon court sur le papier, l’encre se dépose, le dessin prend forme au fur et à mesure et la suite m’apparaît logiquement, pas à pas. Si à un moment je suis bloquée, je sais que je dois ranger mon dessin pour quelques heures ou quelques jours, c’est lorsque je verrai clairement quelle est la suite que je saurai ce que le dessin veut.
CM : Et où peut-on trouver la Gribouille ?
G : Elle a une page Facebook, et un site internet, où vous pouvez également retrouver les mandalas sous forme de T-shirt, de coussins, etc. Les créations sont alors sérigraphiées sur coton bio et écoresponsable, parce que c’est aussi un thème auquel je tiens.
Je participe régulièrement à des marchés artisanaux, vous pouvez retrouver ces infos sur ma page.
CM : En parallèle de ton activité artistique tu t’es engagée dans un voyage humanitaire en Indonésie. Pourquoi ? Qu’est-ce qui a déclenché cette envie de partir à l’aventure ?
G : Mon syndrome encore une fois. Ce voyage écoresponsable - je suis partie 4 semaines ramasser des déchets, participer à la préservation du corail, et sensibiliser les locaux - je souhaitais le faire depuis plusieurs années, mais prise dans le quotidien, je ne trouvais pas le temps. Maintenant, c’est théoriquement mon corps qui m’en empêche… Mais j’ai souhaité dépasser cette complication et partir quand même. Ça a été dur, intense, et merveilleux.
CM : Qu’est-ce que cette expérience t’a apporté ?
G : D’une part une plus grande sensibilité aux problématiques environnementales, ensuite ça m’a permis de comprendre que je pouvais encore réaliser des choses, et délivrer un message : les complications peuvent se dépasser. À mon retour j’ai ainsi créé l’ASBL « Un zèbre en liberté », qui a vocation à démontrer que nos difficultés sont des freins, mais que nous pouvons aller plus loin que nous le pensons.
CM : Est-ce que le diagnostic a été un soulagement ?
G : Oui, car c’était trop d’années de questions, d’incompréhensions sur ce corps qui souffrait et dysfonctionnait sans savoir pourquoi. Le syndrome fait partie des 8000 maladies rares et orphelines donc, pour les spécialistes classiques, autant chercher une aiguille dans une botte de foin…. Une fois ce diagnostic posé, j’ai pu comprendre ce qui m’arrivait depuis tant d’années, résoudre ce passif et aller de l’avant.
CM : Qu’aurais-tu à dire aux patients atteints de la même pathologie que toi ?
G : De trouver leur équilibre entre souffrance et activité, car la souffrance est quotidienne, elle nous accompagne 24 h/24, 7 j/7, il faut arriver à la gérer, à l’accepter tout en ne la laissant pas nous empêcher de vivre.
Facebook Gribouille : ww.facebook.com/GribouilleBelgique
Boutique en ligne Gribouille : www.gribouille.shop
Facebook « Un zèbre en liberté » : www.facebook.com/un.zebre.en.liberte
Futur site internet « Un zèbre en liberté » : www.un-zebre-en-liberte.org