Interview du comédien Nicolas Buysse par Anaïs Cochonneau

Cinqmille : Vous faites découvrir un autre Prévert au public. Est-il surpris de découvrir des textes moins connus, plus acidulés ? Ou s’agit-il d’un public initié au poète ?

Nicolas Buysse : Ce n'est surtout pas un spectacle pour les initiés, il a été conçu pour le grand public. On revisite Prévert, on prend des classiques que l’on brasse avec d’autres textes moins connus. Quelque chose de plus rêche, de plus cynique, plus ironique et parfois même un peu trash. Mais ça reste un spectacle totalement familial, très doux, à l’image de Prévert.

CM : Vous êtes dans un terrain vague en culottes courtes, mais vous buvez un ballon de rouge, une cigarette aux lèvres… Est-ce pour mixer l’univers du Prévert de notre enfance connu de tous et le Prévert corrosif et contestataire?

NB : Il est très irrévérencieux, Jacques Prévert. On s’est donc mis dans la peau de gamins - que nous sommes en tant qu’adultes. Des gamins à la recherche de Prévert. Ils évoluent dans un terrain vague abandonné en centre-ville, (situé ici au bord de la confluence, sur le halage de la Meuse). On y découvre une sorte de club de « Jacques » : les interprètes s’appellent Jacques, comme les spectateurs que l’on appelle tous Jacques. Nos costumes eux rappellent “La guerre des boutons”, accessoirisés par la cigarette et le verre de vin qui sont propres à Prévert, qui aimait fort jouir de la vie, boire son coup de vin et fumer clope sur clope. C’est vraiment ce qui nous amusait. On a mis plein d’objets hétéroclytes dans le terrain vague, qui n’a pas été construit n’importe comment. Une scénographe assez géniale, Camille Tota, s’est emparée du projet et a trouvé des objets correspondant chaque fois à un texte précis, c’est une sorte de soutien pour nous. Une mini scénographie, une mini histoire en soi pour chaque texte. Ca nous emmène en pleine nature pour faire le portrait d’un oiseau - un de ses textes les plus connus, appris à l’école primaire - ou encore du côté d’Yves Montand et les feuilles mortes… C’est aussi un spectacle musical pour lequel je me suis entouré de deux supers musiciens. On est vraiment un trio assez jubilatoire et enthousiasmant, ce qui nous permet de reprendre les standards de Prévert qui a été parolier pour beaucoup de grands noms de la chanson française.

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CM : Le fait de jouer devant un public “casqué” n’est-il pas très différent d’un public “classique”?  Chaque personne ne devient-elle pas un spectateur unique? La cohésion entre les gens, les réactions aux textes…n’est-ce pas perturbant pour le comédien?  Ça doit être très différent en termes d’échange avec le public !

NB : On a fait le choix de pouvoir susurrer le mot de Prévert de la manière la plus intime possible, en évitant un spectacle « déclamatoire » où on vient dire le texte très très fort. Ici j’ai un tout petit micro collé à la joue, Grégory aussi, donc ça nous permet de parler vraiment tout doucement. Chaque spectateur vit le moment dans une bulle poétique. À chaque représentation, certaines choses changent et s’improvisent, et entre chaque séquence on rit beaucoup avec le public. On rit aussi de ce qui se passe autour, notamment des spectateurs qui passent dans la rue et qui n’ont pas de casque. Parce qu’on ne ferme pas l’espace, on ne ferme pas la ville, donc si vous n’avez pas payé votre place vous pouvez quand-même venir voir. Simplement vous n’aurez pas le son. Ce qui nous permet de rire en aparté avec le public « casqué », toujours gentiment comme le ferait Prévert, en étant disgracieux ou légèrement irrévérencieux.

Je me suis spécialisé dans le théâtre “hors les murs”, c'est-à dire en milieu urbain ou naturel. Autant dans un bois ou une clairière on pourrait jouer sans être embêté par le bruit, autant sur une place de Bruxelles ou même ici, des péniches peuvent passer, etc. Pour nous c’est important que le spectateur ne perde pas le fil et la finalité par des bruits ambiants, qu’il puisse rester concentré. Le casque permet de faire abstraction et de s’isoler, tout en profitant de la ville qui continue sa vie autour. Je pense que le propre de la représentation théâtrale c’est quand même de vivre quelque chose en direct où on ne fait pas de playback. Tout est en live, et c'est un moment unique qui existe aujourd’hui, qui n’a pas existé hier et qui n'existera pas demain… Et il y a toujours des « accidents » dans la ville, des choses imprévues qui se passent. Une oie qui traverse, un canard qui arrive au bon moment… Un soir à Liège, on expliquait aux spectateurs comment faire le portrait d’un oiseau, et soudain plein d’oiseaux sont arrivés ! C’est amusant de voir les éléments se rencontrer en direct, de façon totalement imprévisible. Et ça, on ne peut pas le mettre en scène, ça fait partie de la magie. C’est moins confortable que dans une salle mais c’est plus excitant.  En saison hivernale, je joue beaucoup en salle, et je me hâte au printemps d’aller jouer mes spectacles en plein air.

CM : Vous devenez l’homme qui murmure à l’oreille des spectateurs …

NB : Oui, et même si je murmure, les spectateurs entendent parfaitement bien. On leur fournit des casques avec une technologie qu’on a beaucoup fait évoluer avec notre ingénieur du son. Ça permet d’avoir un rendu comme si on était en studio. C’est hyper intime, ce qui se prête bien au sujet. La poésie ne dit pas les choses, elle suscite l’imaginaire du spectateur ou du comédien. Aucune image n’est imposée, chacun peut faire sa bulle en fonction de la musique et des textes, c’est un peu une méditation poétique. Et ce qui est chouette aussi c’est que nous ne produisons aucune pollution sonore. L'endroit où nous nous produisons reste calme.

CM : Quand on vous voit jouer, vous êtes au même niveau que les spectateurs, assez proches même, c’est complètement différent que d’être sur scène ?

NB : Des théâtres plus classiques l’ont vu et l’ont commandé, on le jouera donc aussi en salle, mais avec les casques quand même. Avec un éclairage, ce sera encore une autre expérience et très différent des représentations à l'extérieur, au soleil ou sous la pluie. Cette semaine il va faire beau jusque dimanche, c’est une chance. C’est un risque à prendre en Belgique. À moins d’une grosse drache, les spectateurs prévoient souvent un parapluie ou un ciré, et on joue quand même.

CM : On dit de Jacques Prévert qu’il était trop indépendant pour faire partie d’un mouvement.  Est-ce ce côté « hors du cadre », le fait que ses textes parlent de choses simples mais belles qui en font quelque chose de libérateur à adapter, par rapport à des textes dits « classiques » ?

NB : Prévert a une fantaisie et une liberté qui sont jouissives à interpréter pour un comédien. C’était une sorte d’anarchiste, et l’anarchie c’est le refus de tout pouvoir, de toute appartenance. On ne le sent pas être attaché à quelque chose, on le sent attaché à lui-même. Il était assez populaire par rapport aux autres poètes de son époque et forcément très critiqué par ses pairs pour sa « simplicité », mais finalement ce n'est pas simple d’écrire « simplement ». Toutes ces émotions qu’il véhicule sont des choses simples, mais il le fait avec tant d’enthousiasme que ça en devient libérateur et d’une grande sincérité. C’est fantastique. Avec très peu de mots, il suscite chez moi une avalanche d'émotions, de couleurs, de sentiments. Les spectateurs de Rennes se sont laissés emporter les yeux fermés, ils nous ont dit ensuite: « On vient de vivre une sieste acoustique et poétique ». Ils se laissaient bercer uniquement par la douceur de ses mots.

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CM : Et j’imagine la musique qui vient compléter tout cela …

NB : Oui, la musique est fantastique. Mathieu Van est un très grand pianiste, il est professeur au conservatoire mais aussi claviériste pour Puggy. Alors qu’il est habitué à jouer dans d’énormes salles, il est venu nous rejoindre pour faire des spectacles devant une centaine de personnes. À ce propos, on se demande d’ailleurs combien de personnes vont venir ici à Namur. La poésie suscite-t-elle encore un intérêt dans une époque où les festivals de masse font 80.000 entrées sur une journée ? On veut défendre ce genre de petits événements durables, sans trop d’effets, avec du vrai contenu !

CM : Avez-vous un nombre de places limité ?

NB : Le nombre de places correspond au nombre de casques (150 maximum). Cent spectateurs par représentation serait l’idéal, pour préserver cette sorte d’intimité et de spectacle « les yeux dans les yeux ». On accueille les spectateurs à l’arrivée, on les voit, on est avec eux. En milieu urbain, on brise « le quatrième mur » comme on l'appelle au théatre, cette sorte de barrière entre les comédiens et les spectateurs qu’installent une scène et une salle noire. Nous serons au Théâtre Jardin Passion en octobre. Un spectacle comme celui-là, on peut se permettre de le jouer dehors l’été mais quand arrive octobre et novembre ça devient difficile… Quoique, en plein hiver, en pleine neige, ça pourrait être totalement merveilleux.

Voilà peut-être une belle idée pour la suite …

Jacques
Une coproduction du Théâtre Le Public, de la Compagnie Victor B et de la Ferme du Biéreau
Du 28 au 31 juillet à 19h et 21h à l’espace Confluence (place du Grognon)

Réservez vite vos places sur le site www.spectaclejacques.be !

Le spectacle sera également joué au Théâtre Jardin Passion en octobre et au Théâtre le Public en novembre.
Un spectacle de et avec Nicolas Buysse et Greg Houben, sur des textes et chansons de Jacques Prévert. Piano : Matthieu Van. Collaboration artistique : Jean-Michel Frère et Michel Kacenelenbogen. Scénographie : Camille Tota. Ingénieur du son Sébastien Courtoy. Compositeurs : André Minvielle, Papanosh, Vladimir Cosma et Serge Gainsbourg. Moyens techniques : Noizless Madness, Talk Hit et David Joppart

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