d'Elle

Le jeudi 1 juin, j’ai eu la chance de pouvoir interviewer l’artiste namuroise Delphine Tellier, plus connue sous le nom d’Elle. Cette jeune femme pétillante au sourire communicatif porte de nombreuses casquettes. Rappeuse, compositrice, self-manageuse et bien d’autres. Elle a bien voulu répondre à mes questions lors d’un entretien au Delta.

Image de d'Elle

Questions d'interview :

Who’s that girl à mes côtés? Qui êtes vous et comment vous définiriez vous?

Je pense que ça peut prendre beaucoup de temps de savoir qui on est.

Sur le plan factuel, j’ai d’abord eu un parcours classique: études universitaires (Master en Sciences de Gestion), et début de carrière dans le secteur bancaire. 
Puis un jour, sans crier gare, un burn-out. Aujourd’hui je me définis comme ce que j’ai toujours senti être: une artiste. Je suis auteure, compositrice, interprète et productrice de ma musique.

Niveau personnalité, je suis quelqu’un de dynamique, de très réfléchi même si parfois ça peut m’arriver de foncer tête baissée, mais moins que quand j’étais plus jeune. Je suis quelqu’un de perfectionniste, j’ai un sens du détail exacerbé et ça peut parfois être maladif. Quelqu’un de proche de moi dit souvent “on a les défauts de ses qualités et les qualités de ses défauts” . Le défaut du perfectionnisme c’est qu’il ralentit la progression.

J’ai un caractère assez tranché, j’ose dire ce que je pense mais je suis quand même réservée avec les personnes que je ne connais pas ou lorsque je me trouve dans des lieux où il y a beaucoup de monde et où je ne me sens pas à l’aise.

d'Elle - Extrait Cypher "Who's that girl"

Vous vous définissez “sans étiquette unique”? Qu’est ce que cela veut dire pour vous?

Dans ce que je propose musicalement, il y a plusieurs influences. J’ai moi-même du mal à me mettre dans une case de genre parce que je suis née dans les années 90, du coup j’ai grandi avec le rap et le hip-hop de ces années-là, avec MTV, la naissance des clips etc. Il y a une énorme influence qui vient de là. J’étais aussi fan de R&B, il y a un côté plus chantant avec beaucoup de groove. J’ai aussi beaucoup écouté de pop, de musique électronique et j’aime énormément la musique classique. Dans la plupart des morceaux, je rap dans les couplets et je chante dans les refrains. J’aime aussi l’esthétique du piano-voix. Aujourd’hui, on a un clivage beaucoup moins fort au sein même des sous branches du rap mais si je devais mettre une étiquette, je dirais que c'est avant tout du rap avec un petit côté pop et R&B.

Photo de d'Elle en noir et blanc

Comment trouves-tu le rap actuel?

Le rap a beaucoup évolué à différents niveaux mais je ne sais pas comment je le définirais. Les frontières sont moins marquées qu’avant, moins franches et on met aujourd’hui dans le rap des morceaux qui sont aussi très chantés, ce que je trouve génial. Ce qui me manque peut-être un peu aujourd’hui c’est la recherche dans le texte. De base, quand j’ai commencé à écouter du rap à l’adolescence, c’était pour ça, parce que j’apprenais des choses dans les textes, à élargir mon esprit, voir et comprendre le monde autrement et je trouve qu’aujourd’hui c’est globalement moins le cas avec ce qui se fait en mainstream, on est plus à l’ère de la punchline. Mais c’est pas mieux ou moins bien pour autant. Je crois que c’est juste une question de goût personnel. Tout comme pour les beats. Je suis un peu nostalgique de la musicalité des années 90 et 2000, j’avoue (rires).

Est-ce que tu écoutes plus souvent des femmes ou des hommes au niveau du rap?

Je suis à la recherche de femmes qui rappent parce qu’elles restent sous-représentées dans le genre, mais il y en a de plus en plus, ce qui est une très bonne chose! Je n’ai pas de préférence, ce qui compte avant tout c’est que le beat, le texte et le flow m’emportent. 

Est-ce que tu viens d’une famille liée à la musique (musicien, chanteur)?

Non, je suis complètement l’ovni, personne n’est actif dans ce domaine, sauf ma grand-mère qui chantait dans une chorale et qui m’a appris quelques notes sur un petit clavier quand j’étais enfant. Ce qui à l’époque m’avait déjà donné envie de faire du piano, mais ça n’a hélas pas été possible. Mais on est très ouvert à l’art. Mon papa fait d’ailleurs un peu de peinture et de dessin. Je dessinais moi-même étant enfant.  

À quel âge as-tu vraiment commencé à te tourner vers ce monde? Qu’est ce qui a été le déclencheur?

En fait, je suis tournée vers la musique depuis toujours. Enfant, je faisais du ramdam sur mon petit clavier et au début de l’adolescence je chantais à tue-tête sur du Mariah Carey ou du Whitney Houston. On avait une chaîne hi-fi avec un micro, je m’y donnais à coeur joie (rires). 
Mais le déclencheur au niveau du rap s'est passé au cœur de l’adolescence. J’étais une ado assez révoltée parce que le monde dans lequel j’évoluais et évolue actuellement, je n’étais et ne suis toujours pas en accord avec. Il y a beaucoup de choses qui me choquent. J’ai eu besoin d’avoir un exutoire et pour moi ça a d’abord été l’écriture. J’ai eu envie d’écrire tout simplement et je n’ai jamais cessé de le faire. J’écoutais déjà du rap évidemment et c’est aussi ça qui m’a inspiré. “J’ai commencé à faire du rap en hobby même si au fond de moi j’avais déjà l’envie d’en faire quelque chose de grand, j’en rêvais mais je me disais que c’était quelque chose qui était totalement hors d’atteinte et d’illusoire sachant qu’avec l’éducation que j’ai reçue c’était les études ou rien”. A la fin de mes études, j’ai eu l'occasion d’acheter un peu de matériel de production musicale. J’avais envie de faire mes propres instru, j’adore créer. Puis de là, toute la machine s’est mise en route. J’adore apprendre et j’avais besoin de comprendre comment la musique fonctionne.

As-tu eu des cours de musique?

J’ai d’abord commencé à composer d’oreille mais j’avais envie d’aller plus loin et du coup, quand mon burn out est survenu et que j’ai tout remis en question, mon rêve enfoui est revenu me titiller et je me suis dit que j’allais étudier la musique, même si ça semblait un peu fou car bien souvent, on étudie la musique dès l’enfance. Mais c’était ça ou rien, alors je me suis présentée à l’examen d’entrée de l’Imep en Informatique Musicale, je ne savais ni lire ni écrire une partition, mais j’étais déterminée et j’ai été acceptée. Et ça a tout changé. 

Au niveau de la musique qu’est-ce que tu aimes écouter actuellement? 

J’aime énormément de choses différentes dans la musique et le rap est finalement le type de musique que j’écoute le moins aujourd’hui.

J’apprécie énormément découvrir des choses donc ce qui est bien avec mon activité bénévole chez Hit radio c’est que je reçois beaucoup de choses, on est énormément sollicités. J’essaie d’écouter tout ce que je reçois et il y a des artistes locaux moins connus qui selon moi méritent d’être plus mis en avant alors je les diffuse.

Est-ce que tu peux un peu nous parler de ton morceau “Sous Influence” ? Quelle est son histoire? 

Je n’ai pas eu l’idée du titre tout-de-suite en me disant ça y est, je vais faire un texte sur les influences.

J’ai fait une instru et l’idée m’est venue comme ça et j’ai écrit ce texte sans vraiment m’en rendre compte. J’écris de manière consciente, toujours à la recherche d’un message, mais je note juste ce qui me vient. Et dans ce morceau, au fur et à mesure de son écriture, j’ai vraiment eu envie de me concentrer sur les influences qui nous amènent là où nous sommes. J’étais à une période de ma vie où j’ai pris conscience de toutes les influences du passé (que ce soit les parents, l’école, ce genre de choses), celles qui m’ont amenée là où j’en étais. C’était il y a un moment déjà, mais j’ai fait des études, j’ai travaillé dans une banque, … et puis j’ai fait un gros burn-out qui m’a permis de me remettre profondément en question. Je me suis rendue compte de toutes ces influences qu’on a, qui peuvent être bonnes et moins bonnes. Quand ça vient des proches en général ça part d’une bonne intention, on ne se rend pas toujours compte que ça va nous emmener loin de nous-mêmes et c’est ce qui s’est passé avec moi. J’ai écrit le premier couplet en partant de toutes ces choses que l’on fait sous influence. Comme le texte le dit, c’est comme la première clope, moi je me souviens bien de ce moment, c’était sous l’influence d’une copine, ma première chope/bière c’était pareil. Donc les influences se situent à plusieurs niveaux, peut-être au travers d’une situation plus marquante, violente, douloureuse. Puis en grandissant, en se cherchant, on sort de ça et puis on se reconnecte à soi-même, on accepte d’avoir envie de choses simples et surtout, on veut juste pouvoir être qui l’on est.

Quels sont tes thèmes de prédilection?

J’y vais vraiment à l’inspi en fonction de ce que je ressens, quand j’écris je suis inspirée de plein de choses (de ma journée, des gens que j’ai croisés, ce que j’ai vu) mais parfois j’ai des idées de thèmes qui me viennent comme ça.

Si tu pouvais faire un featuring avec un artiste de ton choix, ce serait qui?

En vrai, il y en a trop! Mais pour rester dans une sphère locale et girl power (rires), je kifferais collaborer avec des artistes très talentueuses comme JNY ou MHO.

Sinon ce serait dément de pouvoir un feat avec KTgorique, une rappeuse suisse ou encore Fanny Polly, une rappeuse française, qui envoient toutes les deux du lourd !

Qui est ton idole ?


Je ne sais pas si je peux vraiment dire que j’ai des idoles, mais il y a bien sûr des artistes que j’admire beaucoup. Et ça va encore être dur de choisir (rires), mais si je vais sur la sphère internationale, je dirais que dans la grande enfance. J’écoutais en boucle Michael Jackson, Mariah Carey et Whitney Houston. Dans l’adolescence, je dirais les Destiny’s Child (le groupe dans lequel était Beyoncé) et IAM. Et aujourd’hui, je dirais “Suzane”, j’adore ce qu’elle fait, ses textes, ses instrus, sa présence sur scène, elle est vraie et authentique, j’adore!  Et sur la scène rap français, il y a Orelsan que j’aime beaucoup et j’ai aussi découvert il y a peu Le Bon Nob, il est très fort.

Et au niveau des artistes belges voir même Namurois?

Le paysage musical belge est rempli de talents, ça va encore être dur de répondre (rires).
Mais du coup je vais citer des artistes que j’ai vus en concert ou que je connais plus personnellement comme JNY et son collectif OB’League, MHO que j’ai rencontrée il n’y a pas longtemps au cypher “Who’s That Girl” qui s’est déroulé au KulturA  (Liège), une très belle rencontre, TUKAN qui offre une fusion jazz-musique électronique démente, GLAUQUE (qui vient de Namur!) qu’il faut absolument voir en live, la soul & RnB de MIA LENA, le rap déchaîné de BART KOBAIN, le rock aux influences 70’s de COLVER, je pourrais encore continuer un moment (rires).

Qu’est ce que ça fait d’être une femme dans un milieu majoritairement masculin?

Ce qui est sûr c’est qu’il faut savoir s’y imposer. Et ça s’apprend.
Globalement, je ne peux pas vraiment dire que j’ai personnellement souffert d’expériences machistes jusqu’ici. Mais je constate et je vois la difficulté que c’est d’être une femme dans ce milieu. Nous sommes sous-représentées, c’est un fait.

Quand tu fais du rap et que tu es une meuf, c’est comme s’il y avait un effet de surprise à créer pour pouvoir te faire une place. Bien souvent les mecs vont plus en attendre de toi parce que tu es une meuf et que tu dois “faire tes preuves”. Mais ça n’est pas partout comme ça heureusement! Il y a des gens qui œuvrent pour une meilleure représentation des femmes dans le rap. Je pense notamment à KAER qui cherche réellement à mettre les femmes en avant lors d’évènements en musique urbaine et au collectif BASEMENT BXL qui lors des open mic qu’ils organisent sont soucieux de laisser de la place aux rappeuZ.  

 

Logo d'Elle noir et blanc

Pourquoi faire le choix de l'autoproduction?

C’est un challenge que je me suis lancé. Depuis que j’ai réalisé mes études en Informatique Musicale à l’imep, “j’avais envie de pouvoir me dire, ok j’ai passé du temps à étudier tout ça, c’est pas pour rien, je vais utiliser ces compétences et je vais tenter de mener à bien ce projet toute seule.” C’est pas par manque d’envie de collaborer avec d'autres personnes, c’est d’abord un gros challenge personnel mais avec le recul, je dois avouer que c’est très chronophage et ce n’est pas toujours facile de travailler seule car tu n’as le retour que de toi-même. Quand tu n’as pas toujours confiance en toi, ce n’est pas toujours facile de trancher, de faire des choix, ça prend beaucoup de temps. J’ai besoin de temps pour tout laisser reposer avant de prendre des décisions et de valider mon travail.

Comment ça se passe quand tu dois monter sur scène, est-ce que tu as des habitudes? Comment gères-tu le stress? 

Pour le moment j’ai pas de trucs, je fais juste attention à ma respiration mais le stress se transforme vite en adrénaline et une fois que tu vois le public qui est réceptif ça change tout.

Quels sont les évènements à venir?

Premier EP qui devrait voir le jour à l’automne avec un clip que je co-réalise, cette fois avec une petite équipe qui m’aide à donner vie à l’idée bien précise que j’ai en tête.

J’ai tourné deux lives sessions qui sont en cours de montage. 

En termes de scènes, je serai le 23.06 aux Fêtes de la Musique à Bruxelles (au Motown Concert), le 30 juin à Amay pour le dispositif La Wave by Kaer.One x 4540 Urban Festival 
Et le 11 août au Festival Parc à Namur.
Peut-être encore d’autres choses à venir, mais à ce stade, ce sont les dates confirmées.

Il y aura aussi ma Release Party à l’automne pour fêter la sortie de ce premier EP !

Si tu étais une chanson, laquelle serais-tu? 

Ça va encore être dur de se décider (rires) .
Vu qu’on est plusieurs là-haut (rires), je vais en donner 2 qui se situent un peu aux extrêmes de ma personnalité: 
Pour le côté sombre et tourmenté qui peut me caractériser, je dirais “Here She Comes Again” de Röyksopp x Jamie Irrepressible. Le texte est d’une profondeur…la première fois que j’ai écouté ce titre je me suis dit qu’il avait été écrit pour moi.

Pour le côté libre et joyeux de ma personnalité, je dirais “Free” de Stevie Wonder.

Publié le 24 Juin 2023 par
Nikita VW

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