À la découverte de la jeune architecture
Interview de Tiffany Vitali et Alexandre Martorana // Photos de Tiffany Vitali et l'ICA
L’Institut Culturel d’Architecture Wallonie-Bruxelles en collaboration avec le Centre culturel et le Théâtre de Namur organise son 3ème Temps d’archi. "L’architecture vous veut du bien" est un parcours d’architecture qui se déroule du 3 au 21 mars à Bomel, à Jambes, en passant par Namur.
Pour la 3ème année consécutive, il est possible de découvrir en toute simplicité les architectures et bâtiments construits ces 30 dernières années dans le Namurois.
Les visiteurs ont aussi l’occasion de découvrir des vitrines aménagées par cinq lauréats du concours Vues sur #1, réalisé auprès de jeunes architectes, et de Vues sur #2, même concours à destination d’étudiants en architecture.
Nous avons rencontré Audrey Contesse, la directrice de l’ICA Wallonie-Bruxelles, qui nous a expliqué ce projet de A à Z.
Cinqmille : Qu’est-ce que "temps d’Archi" ?
Audrey Contesse : C’est une initiative de l’Institut Culturel d’Architecture Wallonie-Bruxelles. C’est l’action pendant laquelle on rentre en contact avec différents acteurs locaux liés à la culture et l’architecture. Ensemble, nous créons un moment d’échange entre les citoyens et les acteurs de l’architecture. En général, il y en a deux par an et cela se déroule dans des endroits différents. Dans le cadre de notre lancement, la première édition se déroulait à Namur. Ensuite, il y a eu une édition à Tournai. À chaque fois, on essaye pour chaque lieu de trouver une thématique qui peut apporter certaines réponses posées aux spécificités de l’endroit.
Chaque Temps d’Archi a un thème et un slogan. Le premier était « L’Architecture n’a peur de rien », le deuxième était « L’Architecture jette des ponts » et maintenant « L’Architecture vous veut du bien ». On trouvait que la bienveillance était la notion transversale dans tous les projets des jeunes architectes qu’on présente. On trouvait que cela était assez bienvenu en ces temps un peu particuliers où justement tout citoyen est confronté à son habitat donc à l’architecture, à son cadre de vie. On voulait montrer que la jeune génération d’architectes voulait apporter une bienveillance dans leur action.
Cq : Pourquoi est-il important pour vous de veiller à la diffusion de l’architecture namuroise au citoyen, au public ?
Audrey Contesse : Parce que l’ICA pense que le citoyen est un acteur important du cadre de vie. Il faut absolument qu’il y ait un contact entre le citoyen, l’architecte, le politique mais aussi le promoteur. Tous ces acteurs doivent communiquer ensemble. Et pour cela , il faut avoir les mêmes bases pour échanger. Je pense que le rôle de l’ICA est de donner les clefs de compréhension de l’architecture à tous pour les faire se rencontrer. Je pense que c’est la seule façon de construire un environnement, un cadre de vie qui sera accueillant pour tous.
Cq : En quoi ce parcours peut être une renaissance pour le centre-ville ?
Audrey Contesse : On sent qu’il y a un bouillonnement à Namur, une volonté d’agir sur l’architecture et l’urbanisme par l’ampleur des projets qui sont mis en place. Je pense qu’il y a cette volonté partagée d’entrer en contact avec le citoyen et de faire la ville ensemble. Nous venons apporter un regard. Celui-ci est visible via les cinq vitrines exposées dans la ville. Ce qu’on vient aussi pointer, c’est une douzaine de projets qui nous semblent répondre de façon positive à des questions posées. Je pense par exemple au logement collectif qui se trouve dans la rue de L'Inquiétude. Il est important de comprendre comment, dans une ruelle, on offre un espace qualitatif pour les étudiants. On veut questionner le citoyen. On veut apporter un nouveau regard sur la ville.
Cq : Pourquoi avoir choisi la thématique « Jeunes et architecture » pour l’appel à contribution Vue sur ?
Audrey Contesse : Ça nous semble important de s’intéresser et de valoriser la jeune architecture. Le mot "jeune" est revenu car on voulait faire beaucoup de liens entre les jeunes architectes et les non-architectes. Les liens sont difficiles à créer dans les conditions que nous vivons mais on réalise des ateliers pour les 10-12 ans aux abattoirs de Bomel. On leur propose de faire le même exercice proposé aux jeunes architectes. Ils vont aménager physiquement les vitrines avec différents matériaux. Avec l’institut Saint-Joseph de Jambes, on a aussi pu installer toutes les vidéos des résultats des étudiants. On va organiser des ateliers-débats sur l’architecture du futur et puis, il y a des moments de micro-trottoir où l’on interroge les citoyens sur l’architecture du futur et quelles questions ils veulent poser aux architectes. On veut construire ensemble un dialogue.
Cq : En fonction de quoi trouvez-vous les noms de Temps d’archi ?
Audrey Contesse : Je ne sais pas vraiment vous dire. Le prochain sera à Charleroi au mois d’octobre. On va travailler sur le vouloir habiter. Le slogan synthétise à chaque fois les mois de travail en amont qu’on a passé pour ce Temps d’archi. Celui de maintenant est en lien avec la prise de conscience que chacun a eu pendant ses temps de confinement où on s‘est rendu compte de ce qu’était l’architecture. Ce n’est pas simplement un monument qui est intouchable. On réfléchit à la manière dont on l’habite et avec qui et comment on veut le modifier pour l’adapter à notre nouvelle vie. On veut apporter une architecture bienveillante. On a remarqué que tous ces jeunes architectes veulent entrer avec bienveillance dans le contexte qu’on leur propose. La vitrine du Delta a pour objectif de mettre en valeur cet architecture de cercle et l’interaction avec la nature. C’est un rapport entre le construit et le non-construit. Quelle est l’interaction entre l’homme et l’habitat ? Voilà une des nombreuses questions à se poser.
Cq : On oublie souvent que l’architecture, c’est un art. On pense souvent que ce ne sont que des briques et du ciment mais j’ai l’impression qu’il y a beaucoup de choses qui se cachent derrière, comme des questions de société, et ce parcours nous le montre.
Audrey Contesse : Tout à fait. Être architecte, c’est avant tout prendre une position sociétale. Dans un des projets, les architectes sont partis du principe qu’un mur est apparu pendant la nuit. Ils ont réalisé une sorte de faux reportage où ils analysent d’où il vient et quelle est son utilité.
En racontant cette histoire, ils nous disent aussi tout ce que peut être un mur. Ce sont des briques comme vous avez dit mais celles-ci composent un espace. Dans cet espace, il peut y avoir divers éléments, comme des dessins ou encore des ornements, qui nous racontent un mode de construction et un mode de vie. C’est un aspect culturel et nous voulons le souligner grâce à ce parcours. Par exemple, la manière de construire un mur s’inscrit dans une culture et celle-ci se transmet. Nous devons continuer à transmettre ce savoir-faire.
C’est presque comme si la ville avait une poésie à nous raconter.
Audrey Contesse
Cq : Quel type d’architecture pouvons-nous rencontrer durant ce parcours dans la capitale wallonne ? Y a-t-il un mélange d’époques ou/et de styles ?
Audrey Contesse : Bien entendu il y a des mélanges de styles car c’est cela qui compose une ville. Il y a aussi différents types d’architectures comme des maisons ou encore des espaces partagés. Le parcours de Bomel à Jambes en passant par la corbeille permet de passer dans des ambiances très différentes, entre l’urbain et le périurbain.
On commence par Bomel qui nous permet de rentrer directement dans l’histoire parce que l’on voit les massifs rocailleux des anciennes carrières, ainsi que des parties de la citadelle de Vauban. Sinon, ce que nous mettons en valeur, ce sont les architectures de ces 30 dernières années mais bien sûr, elles viennent s’intégrer dans une histoire de l’urbanisme. Il y a même des maisons à Bomel qui prennent en compte l’histoire de ces remparts et qui n’ont pas été construites avec de grandes machines.
Le chemin qu’on suit passe par la rue de Fer devant l’hôtel de ville. C'était le chemin à l’origine de la création de la ville de Namur et le cheminement emprunté par les marchands, qui allaient des Flandres en Italie. Les lieux, les projets nous permettent de passer par des endroits moins connus des habitants et qui permettent de traverser différents types d’atmosphères.
Pour relier la passerelle jusqu’à la tour d’Anhaive, on a la possibilité de choisir un cheminement périurbain. En revanche, si on se dirige vers la chaussée de Liège, on retrouve les fondements de Jambes. En effet, à l’époque, les plantations qui nourrissaient la ville étaient cultivées à cet endroit et maintenant, on voit encore ces grandes étendues qui commencent à être mangées par la réalisation d’habitations. On assiste à certains changements au fil des années. C’est presque comme si la ville avait une poésie à nous raconter.
Nous indiquons des lieux à visiter mais pas un chemin fixe à suivre parce que nous voulons que les visiteurs se sentent libres et redécouvrent leur propre quartier. Pour les aider, il y a soit un guide papier, soit une carte interactive qui permet de se repérer facilement sur notre site Internet.
Le territoire devient un musée à ciel ouvert.
Audrey Contesse
Cq : Comme Temps d’archi est un parcours libre à l’extérieur, le Covid-19 a-t-il favorisé le développement de ce projet?
Audrey Contesse : Ça nous a, en effet, donné une opportunité de le réaliser. Pour médiatiser l’architecture, habituellement, nous sommes dans des salles, des musées ou des centres culturels. On se pose toujours la question de comment montrer un bâtiment qui se trouve à plusieurs kilomètres. Nous avons recours aux photos, aux maquettes, aux dessins mais dans le cadre de ce projet, on travaille à l’échelle du territoire. Le territoire devient un musée à ciel ouvert.
Nous montrons l’architecture à l’échelle 1 :1. C’est aussi pour cette raison que nous demandons aux jeunes architectes de faire leur travail qui est d’aménager un espace et pas de venir présenter des feuilles ou des posters. Nous leur donnons un espace, ils le transforment et font ce qui les inspire.
Cq : Que peut-on vous souhaiter pour le futur ?
Audrey Contesse : J’espère qu’on pourra rassembler tous les acteurs de l’environnement construit. J’aimerais aussi que l’architecture en Fédération Wallonie-Bruxelles devienne qualitative et arrive à porter les enjeux sociétaux et environnementaux auxquels l’architecture doit répondre. Avant tout, l’architecture est une matière transdisciplinaire qui nous permet de nous apporter à tous un cadre de vie qui nous correspond.
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